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Mercredi 25 octobre.
C’est moi qui le lis d’abord, le Gaspard des Montagnes, et je le passerai à Lili après. Je suis émerveillé, je n’avais pas imaginé pareille chose. C’est épique, c’est considérable, c’est l’Iliade auvergnate. J’ai connu l’Auvergne à Bercy, la crème de l’Auvergne est à Paris à débiter ses canons de rouge en suçant ses moustaches et répandant son beau parler sonore. Il fallait bien penser que le grand Conteur se manifesterait dans le terroir. C’est la réserve du Riche langage. À toutes les pages de Gaspard je m’émerveille et j’applaudis. Et quel bien cela me fait ! Cette eau m’emplit, et me gonfle, comme une morille sèche, je me sens renaître. C’est une cure. Je vais devenir autre. Je veux devenir autre. (Jean Dub)
Après l’avoir lu, il aurait dit à son ami Henri Pourrat :
« Ça me donne envie de marcher sur les mains !!! »
Et dans une chronique :
Gaspard est un songe de Pourrat. Par sa fenêtre, il voyait la montagne, les domaines et les métairies, les bois de sapins, les vieux villages couleur de bure et de fumée, et quelque église trapue, nette comme un os de seiche, calcinée par le soleil, lessivée par la neige, essuyée par un vent glacé. Autour de lui, des images d’Épinal, accrochées partout sur les murs, ressuscitaient les souvenirs d’un vieux temps dans leurs personnages bariolés :
Nelson, le départ du conscrit, Napoléon à Sainte-Hélène, et la bataille des Pyramides avec ses mameluks parallèles ; et les fadeurs d’Estelle et Némorin ; et la complainte de Pyrame et Thsibé.
Ce n’étaient que saules pleureurs et urnes funéraires, fureurs guerrières, arbres d’amour, du rouge, du jaune, du bleu, du vert. Des naïvetés, du rire, des chansons, du grand air. Et l’après-midi, en promenade, les auberges, les papeteries, les vieux domaines où un cadran solaire orne un jardin à la française ; les vieux jardins qui sentent le buis ; la prune déjà mangée des guêpes qui tombe dans l’excès du soleil.
La maison fraîche où une femme vêtue de noir porte le saucisson sur la table ; le vieux curé avec du poil dans les oreilles qui partage son miel aux passants. Une bonhommie, une gentillesse, un style, une poésie, une civilisation ; du rire et de la bonne volonté, du bourg, de la nature revue par le couvent, prêchée comme le loup de Saint-François.
Mais cette idylle est menacée par le fait divers. Par la forêt, l’hiver, la disette et les « caches » , l’auberge louche, l’armée du crime et de la misère. Le peuple des chemins. Les larves de la nuit. Les béquilleux inquiétants et sordides. Le mendiant qui cache un couteau.
Le vieux temps est un songe.
de l’Académie française,
dans son livre Seuls les enfants savent lire
Éditions Tallandier, 2009
[pages 125 à 128]
Laboulaye était un professeur. Mais tous les contes écrits à l’époque moderne (disons, depuis Andersen, dont les contes, que je place aujourd’hui au-dessus de tout, me laissaient alors assez froid, sans doute parce que ce ne sont pas des contes pour enfants, mais pour adultes qui ont une qualité d’enfance) – tous les contes écrits à l’époque moderne, dis-je, semblaient l’avoir été par des professeurs. Tous, sauf ceux d’Henri Pourrat. Le jour de mes huit ans, j’ouvre donc le tome VII du Trésor des Contes sur le tapis de la salle à manger, je coupe la première page avec mon couteau de poche, de marque Parapluie (sur la lame à bout arrondi était gravé un parapluie ouvert avec la mention mystérieuse « à l’épreuve »), et voilà ce que je lis :
Il y avait un homme qu’on nommait le Piarrou : grand bavard, grand vantard, grand soiffard, grand pendard, pour tout dire grand traîne-diable. Un de ceux qui font trente six métiers – un jour ramasseur d’escargots, un autre preneur de taupes ou pêcheur de truite ; et panseur de bêtes, joueur de vielle et de violon, porteur de contraintes, ou qui sait quoi encore ; – et au milieu de toute une trolée d’enfants, et de joyeusetés, trente-six misères. Enfin, tirant toujours le diable par la queue...
(page 134)
Ce que j’ai cherché au fond de la poésie, je dois le confesser, c’était me semble-t-il, la quintessence des impressions produites par les contes, leur pur concentré, que le récit dilue. D’où l’importance à mes yeux des contes d’Henri Pourrat, où l’histoire n’était rien sans les descriptions esquissées, les notations fugitives, les expressions savoureuses.
Je savais que Pourrat avait écrit un grand roman, au titre mystérieux et magnifique,
Gaspard des Montagnes. Je l’ai enfin lu vers la fin de mon enfance « cette histoire à
cent histoires », comme l’appelle son auteur, ce « roman campagnard de chevalerie » conté comme un conte, tissé de contes, fondé sur un conte terrifiant de brigands et de forêts :
« C’était, dit la vieille, au temps du grand Napoléon, et quand on commença
à faire la guerre en Espagne ». Je défie quiconque d’avoir la force d’âme de ne pas lire plus avant. Pour ma part, non seulement je n’ai pas eu cette force d’âme, mais je n’ai jamais cessé depuis de relire Gaspard des Montagnes. Je l’ai lu à haute voix à mes enfants, d’un bout à l’autre, une première fois, puis une deuxième fois. Je ne peux plus en parler comme d’un livre de mon enfance : c’est un livre de toute ma vie...
Tu mets la truffe dans l’alouette, l’alouette dans la grive, la grive dans le perdreau, le perdreau dans la dinde, la dinde dans le cochon, le cochon dans le bœuf. Puis, ce bœuf, tu l’embroches et tu le fais rôtir pendant sept heures d’horloge. Tu n’as qu’à te mettre à table.
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